Opera A Palazzo, « La Traviata » à fleur de peau…

LEWNEWS – le 7 juin 2021

©Denis Mareau

C’est dans le décor somptueux et chargé d’histoire des salons de l’Hotel Dosne-Thiers, Place St-Georges que la tragique et sublime romance de Verdi se donne à voir et partager avec une force et une passion exceptionnelle sublimées de façon tout à fait originale. Car Opera a Palazzo, dans la continuité de Musica A Palazzo née à Venise en 2005 et dont les créateurs nous transmettent l’âme de l’expérience de l’opéra immersif, propose ici pour la première fois à Paris de vivre l’opéra de l’intérieur en gommant les distances avec les chanteurs, par l’invite d’être avec eux dans le partage le plus immédiat de l’espace, scène et salle se confondant en un seul lieu, chaque salon étant le décor réel dont la mise en scène extraordinaire de Patrizia Di Paola a su tirer pleinement parti. Expérience fusionnelle d’une intensité sans pareil tant pour les spectateurs que les artistes.

©Denis Mareau

Ici, l’adaptation primée par The Argus Angel Award de la Traviata est resserrée autour des trois personnages principaux, Violetta Alfredo et son père Giorgio dans une orchestration tout autant restreinte mais terriblement efficace. La magie opère dès le premier instant, l’entrée en scène d’Alfredo, très vite rejoint par Violetta s’ouvre sur ce premier duo intense et joyeux du célèbre Libiam nei lieti calici, tourbillon enivrant de cet amour naissant entre ces deux êtres. Tout ce qui suit va aller plus haut et plus fort encore. Merveilleuse Violetta, nous rendant témoin intime de son trouble dans un frisson indicible. Frisson qui sous le portrait d’Adolphe Thiers dans l’acte 2 se poursuit avec autant de force et continue de nous envahir nous mettant le cœur à nu dans ces grandes mélopées verdiennes. Tragédie qui se joue avec l’arrivée du père d’Alfredo, émotion et sincérité juste remarquables dans leur duo poignant. Acte 3 scellant le drame avec le trio vocal se mariant à merveille, Violetta attire, émeut, fige l’instant par sa douleur, son amour, son émotion tandis le père et le fils tous deux réunis l’accompagnent avec autant de puissance dramatique. Ode à l’amour et à la tragédie.

©Denis Mareau

Tout provoque le frisson, l’émotion est intacte et prégnante de bout en bout. Que dire des trois chanteurs habillés des costumes réalisés par l’Atelier Nicolao de Venise, sinon qu’ils furent extraordinaires. Armelle Khourdoïan est envoûtante, sa voix nous emporte avec beauté, sa technique est au service de son personnage, son jeu théâtral captivant. Christophe Poncet de Solages est son égal dans le rôle d’Alfredo avec un timbre égal et puissant dans l’ensemble de sa tessiture. De même enfin pour Laurent Arcaro dans le rôle de Giorgio avec une profondeur et une rondeur vocale, tous trois scellant une prestation vocale supérieure bien rare. Prestation instrumentale enfin assise, attentive et en osmose du jeune Philip Richardson au piano, Anne Balu au violon et Carlotta Persico au violoncelle.

Que dire encore ? Cette Traviata par Opera A Palazzo soutenu par des partenaires convaincus de la démarche nous ramène au cœur même de l’opéra, du mariage entre musique et théâtre et ne peut que ravir tout amateur de l’art lyrique. Un pur bonheur en petit comité qu’il faut s’offrir, un spectacle de très grande qualité complété par une visite de la Fondation et d’un partage convivial autour d’une coupe de champagne Leclerc Briant pour chacun.

Jean-Paul Bottemanne

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